Chronique : Sam Fender – ‘People Watching’
En l’espace de cinq ans seulement, Sam Fender s’est imposé comme l’une des voix les plus marquantes de sa génération. Après deux albums acclamés par la critique, le chanteur britannique opère un retour brillant avec ‘People Watching’, un disque à travers lequel il pose un regard toujours éclairé sur les luttes de la classe ouvrière dont il est lui-même issu. Originaire d’une petite ville côtière du nord de l’Angleterre, Fender a tracé sa route dans une industrie bien différente de celle de ses grands-parents. Et si certains pourraient lui envier ce succès fulgurant, lui évoque ce changement brutal que lui a apporté la célébrité dans sa vie qui peut-être parfois difficile à porter.
S’ouvrant sur le morceau éponyme, ‘People Watching’ semble de prime abord s’inscrire dans la continuité de ‘Seventeen Going Under’. De par son énergie et son phrasé, l’influence de Bruce Springsteen y est clairement identifiable. A l’instar de Bleachers aux Etats-Unis, Sam Fender s’impose comme le fier successeur du Boss de l’autre côté de l’Atlantique. Mais ‘People Watching’ se distingue de ses prédécesseurs par la richesse de ses arrangements. Adam Granduciel, leader du groupe The War On Drugs, imprime ici sa marque à la production, plus particulièrement sur le titre Wild Long Lie, insufflant à l’album à la fois une modernité audacieuse et une profondeur intemporelle.
Explorant ci et là des sonorités acoustiques, notamment sur l’hymne folk-rock Chin Up, l’ensemble déploie une production épique taillée pour les stades, à la hauteur de la renommée grandissante du prodige britannique. Presque toutes les pistes comportent des arrangements de cordes, d’inévitables solos de saxophone ou encore des chœurs sur Arm’s Lenght, des éléments qui apportent de la structure et la grandeur à l’univers sonore déjà très reconnaissable de Sam Fender. L’un des moments marquant de ce disque est certainement le titre TV Dinner semblant tout droit tiré de la B.O. d’un film de James Bond, se distinguant par sa dimension dramatique et cinématographique, tout en rappelant le Radiohead époque ‘Hail To The Thief’.
La comparaison avec ses pairs se limite néanmoins aux sonorités car Fender ne parvient pas à marquer les esprits par la portée revendicative de ses textes souvent dépourvus de refrains fédérateurs qui enflammeraient les stades et les festivals. Bien qu’il aborde des thèmes lourds tels que la maladie, le suicide ou les difficultés qu’ont les gens à joindre les deux bouts dans son Angleterre natale, il ne possède pas encore la plume aiguisée de songwriters tels que Dylan ou Springsteen auxquels il semble pourtant s’identifier.
Pour autant, et bien que nous ne soyons encore qu’en février, nous mettons notre main à couper que ‘People Watching’ figurera parmi les albums les plus marquants de 2025. A l’aube d’une nouvelle ère, Sam Fender s’affirme davantage comme l’une des valeurs sûres de la scène rock internationale. Le disque s’achevant sur Remember My Name, sublime performance vocale et vibrant hommage à ses grands-parents aujourd’hui disparus, il prouve, à l’image d’un Chris Martin avant lui, sa capacité à produire qui marquent une époque et des chefs-d’œuvre symphoniques à la portée intemporelle.