Valentine Lambert : « Je voulais revenir à quelque chose de plus intime »
La rentrée musicale est toujours source d’émotions contraires. On repense non sans une certaine nostalgie à nos vacances au soleil qui semblent déjà loin, aux moment partagés en terrasse, aux festivals d’été. Et à ces JO de Paris ! Mais ce sentiment est rapidement remplacé par l’excitation ressentie en ce début d’automne avec la découverte des nouveautés musicales qui font chaque année le bonheur des mélomanes. Et parmi celles-ci, on retrouve ‘Le silence’, le premier album de l’autrice, compositrice et interprète Valentine Lambert qui fleure bon le road-trip et la joie de vivre indolente. Une manière en quelque sorte de faire durer cette envie de vacances et d’évasion. Ce disque paru il y a quelques jours tisse un pont entre la France et l’Ouest américain et fait la part belle à la voix tantôt douce, tantôt malicieuse de la chanteuse dans une folk à la française qui sort des sentiers battus. Elle y évoque son rapport au voyage mais aborde également des sujets de société tels que notre rapport aux écrans ou encore la solitude. Au détour d’un bel échange téléphonique, j’ai pu poser quelques questions à la jeune artiste pour en savoir un peu plus sur son parcours et la genèse de ce premier album réussi en tous points.
The Morning Music : Toi qui a grandi dans une famille d’artistes, tu as toujours su que tu voulais faire de la musique ?
Valentine Lambert : A vrai dire, pas vraiment. J’ai commencé la musique quand j’avais 13 ans à peu près. Et en effet mon père est guitariste donc j’ai grandi dans un milieu assez musical. J’allais voir beaucoup de concerts quand j’étais petite car il nous y emmenait avec mon frère. Ça ne m’a jamais traversé l’esprit à cette période, c’est plutôt durant l’adolescence que ça a été un gros flash. J’ai commencé à chanter du jour au lendemain, sans savoir où ça allait me mener et ensuite j’ai commencé à écrire des chansons.
TMM : Est-ce que tu te souviens de tes premières chansons, celles que tu écrivais quand tu étais adolescente ?
Valentine : Oui mais malheureusement j’ai perdu beaucoup de mes tous premiers textes. J’écrivais en anglais au tout début et c’est après le lycée que j’ai commencé à écrire en français. Certaines de ces chansons ont finalement abouti et sont sorties sur mon EP ‘Nomade’ paru en 2021, notamment La chanson de billy qui est l’une des toutes premières que j’ai écrites et qui fait partie de cette période des débuts, et Walk Away qui est sur mon tout premier EP ‘Un millénaire’. Je conserve encore d’anciens bouts de texte et des carnets que j’ai pu avoir. Mais je pense que je ne vais pas beaucoup les montrer (rires)
TMM : Tu as sorti un premier EP en 2018 puis s’ensuivent les premières dates avant un voyage d’un an en Australie. Qu’est-ce que ce voyage t’a apporté musicalement ?
Valentine : Pas mal d’inspirations. Je suis parti là-bas un peu moins d’un an après mes études de cinéma et naturellement je pense que ce voyage m’a servi de prise de conscience. Je suis rentrée en France en sachant que je ne voulais faire que de la musique. J’y ai écrit pas mal de chansons. L’un des premières choses d’ailleurs que j’ai faite en arrivant a été d’acheter une guitare. Une plutôt basique que j’ai revendue en repartant. Plusieurs de ces chansons se retrouvent sur mon deuxième EP ‘Nomade’ que j’ai imaginé dès mon retour. Le fait d’avoir écrit la chanson qui donne le titre à l’EP, ce n’est pas anodin d’ailleurs. J’avais un pied à terre à Sydney où je travaillais comme fille au pair mais j’ai pu partir pendant un mois en road trip avec une amie rencontrée là-bas. Un mois durant lequel ça a été l’aventure totale, l’inconnu. J’avais déjà voyagé avant mais celui-ci a été très enrichissant et inspirant.
TMM : En cette rentrée tu reviens avec un premier album intitulé ‘Le silence’ en faisant le pari d’inventer une folk à la française qui sorte des sentiers battus. Comment l’imagine-tu cette musique folk ?
Valentine : Mon univers folk est assez hybride parce qu’en effet j’adore maintenant écrire en français. On peut exprimer tellement de choses dans cette langue. Et musicalement, dès qu’il y a des guitares, j’adore. Donc je ne sais pas si c’est parce que j’aime la guitare que j’aime la folk ou l’inverse, mais en tout cas, tout ça c’est lié et ça me passionne. J’aime aussi les passerelles qu’on peut faire avec d’autres genres musicaux comme la pop, le jazz ou la soul. Ayant grandi grâce à mon père dans un univers country, blues, americana, il faut croire que j’ai récupéré ces influences. Et j’aime développer cette culture. J’écoute beaucoup de folk américaine, mais aussi australienne ou anglaise elle-même influencées par la folk américaine. J’aime beaucoup faire cohabiter les deux, le français et ce folk avec des petites couleurs venues d’ailleurs.
TMM : Dans ‘Le silence’ on découvre des chansons telles que Sur un fil ou Road Movie qui évoquent les grands espaces et appellent à prendre la route. Ce sont tes voyages qui t’ont aidé à dépeindre ces paysages en texte et en musique ?
Valentine : Mes voyages m’aident tout comme mon désir de voyager, de voir l’ailleurs qui m’inspire ces chansons. Depuis mon voyage en Australie, je n’ai pas eu l’occasion de partir sur la longue durée. Mais j’en ai très envie, je sens que c’est quelque chose qui me fait vibrer, pour justement ne pas tomber dans une sorte de routine et garder une inspiration que ce soit pour la musique ou juste pour la vie de tous les jours. J’ai écrit la chanson Road Movie chez moi, dans mon salon, au mois d’aout et je n’étais pas à l’autre bout du monde. Parfois on peut juste voyager en suivant des gens sur Instagram et ça peut donner cette envie de repartir. Cette envie, c’est comme une petite graine qui va se transformer en chanson.
TMM : Le silence, c’est aussi le titre de la chanson éponyme qui conclue le disque et qui traite de ce syndrome de la page blanche, quand l’inspiration ne vient plus et fait place aux doutes et aux interrogations. Une période qui tu as su surmonter.
Valentine : J’ai effectivement eu une période un peu compliquée il y a deux ans. Je venais de vivre une année riche en concerts et des opportunités se présentaient grâce à l’EP qui était sorti l’année précédente. C’est à ce moment-là que j’ai réalisé qu’on peut toucher quelque chose du bout des doigts sans y parvenir. Que rien n’est acquit et qu’il faut parfois recommencer de zéro. Un été je faisais des grosses scènes et puis plus rien, alors que je n’avais qu’une envie, c’était de jouer. Les réseaux sociaux aussi m’affectent énormément. Je n’en parle pas dans l’album mais c’est possible qu’à l’avenir j’écrive des chansons à ce sujet. Pour plusieurs raisons, j’ai traversé une période où je n’avais plus envie d’écrire et de composer. Musicalement, je sentais que je voulais revenir à quelque chose de plus intime. Et petit à petit, l’inspiration est revenue, grâce notamment au yoga qui m’a beaucoup aidé. J’écoutais beaucoup de folk durant cette période, notamment Angus & Julia Stone et Ben Harper, et j’ai remarqué que c’était la direction que je voulais prendre pour mes prochaines chansons. J’ai commencé à composer des chansons en guitare voix sans ajouter d’artifices. Et c’est en trouvant un ancrage dans ces choix que j’ai écrit la chanson Le silence. L’idée de l’album m’est venue après. C’est vrai que ça a été quelques mois compliqués mais je ne regrette pas du tout de les avoir vécu parce que ça a été très formateur.
TMM : Tu chantes « on court toujours de nos jours sans savoir où ni pourquoi » dans J’ai pas l’temps et « le monde est fou autour de moi je ne fais plus le poids dans la masse » dans Boom dans mon cœur. Ton album s’inscrit véritablement dans son temps et évoque avec légèreté les véritables maux de notre société.
Valentine : J’adore pouvoir parler de choses qui je l’espère feront que les gens puissent se reconnaitre dans ces sujets universels. Une chanson c’est tellement intime que parfois on écrit quelque chose et on se demande si les autres vont se retrouver dans ce que l’on cherche à transmettre. Mais je pense que ces sensations de solitude dans Boom dans mon cœur par rapport à tout ce qu’on vit et à la sur-information parlent d’eux-même. Tout comme le temps qui passe et le fait d’être toujours occupé dans J’ai pas l’temps, je pense en effet que ce sont des sujets assez universels.
TMM : Krishnamurti écrivait il y a quelques années « Ce n’est pas un signe de bonne santé mentale d’être bien adapté à une société malade », cela semble toujours d’actualité
Valentine : J’ai déjà lu cette phrase qui oui est très juste malheureusement.
TMM : On n’a pas parlé de la pochette de ce disque haute en couleur. Peux-tu nous en dire quelques mots ?
Valentine : Je voulais depuis très longtemps une pochette en dessin. Avant même que l’album soit enregistré, je souhaitais que la proposition artistique touche autant le visuel de l’album que les chansons elles-mêmes. J’ai eu du mal à trouver la bonne personne mais à force de patience et de persévérance, j’ai découvert Julien G. On s’est rencontré et je lui ai confié mon envie : un dessin qui me représente car je sais l’importance quand on est une artiste émergente de pouvoir être identifiée. Je voulais aussi des éléments ésotériques, solaires et un peu hippie avec ce côté seventies de par mes influences musicales héritées de mon père. Julien m’a proposé une illustration et ça a été parfait du premier coup. On a choisi ensuite les couleurs ensemble et je suis ravie parce que c’est vraiment la pochette que je voulais.
TMM : Tu reprends la route prochainement avec notamment une release party au Sunset à Paris en décembre, tu es plutôt le studio ou scène ?
Valentine : C’est difficile de répondre à cette question parce que je ne suis pas en studio très souvent, c’est plutôt par épisode. Pour cet album par exemple on est resté en studio pendant cinq jours seulement alors qu’on peut jouer sur scène plusieurs fois par mois. On prend peut-être plus goût à ce qu’on connait le plus mais c’est sûr qu’on vit de supers moments en studio. On est par contre plus en apesanteur sur scène, on se pose un peu moins de question qu’en studio donc j’aurais tendance à dire que je préfère la scène. C’est aussi cette partie-là que j’ai envie de développer, pouvoir jouer avec tout un groupe avec moi sur scène. C’est assez excitant !
TMM : Tu es impatiente j’imagine de retrouver ton public ?
Valentine : Oui ! Je serais accompagnée sur scène de Manu Bertrand qui fait de la guitare mais aussi du dobro, de la mandoline, du banjo, du weissenborn. Tous les instruments qu’on entend en fait dans l’album qui sont typés folk americana sont sur scène. Je suis impatiente que le public découvre les nouvelles chansons, même si j’en jouais quelques unes depuis quelques mois déjà. Je vais aussi présenter d’autres chansons que je n’ai pas encore enregistré avec cette volonté de présenter un tout nouveau spectacle enrichi de moments assez intimistes et tout en douceur.
‘Le silence’, premier album de Valentine Lambert, déjà disponible.