Chronique : Kelly Jones – ‘Inevitable Incredible’
Il suffit parfois d’un objet, d’une rencontre, pour que naisse le désir d’explorer des chemins que l’on aurait jamais imaginé un jour parcourir. Pour Kelly Jones, il s’agit en l’occurrence d’un tableau. Cela remonte à quelques années en arrière alors que le chanteur des Stereophonics est en tournée solo et tombe sur une toile dans une chambre d’hôtel à Édimbourg. Celle-ci représente un piano mystérieux dans une atmosphère bleu-vert, douce et onirique, qui pouvait donner l’impression que l’instrument était sous l’eau. Fasciné par cette peinture de Christine Clark baptisée « Nocturne », le leader des Stereophonics décide alors qu’un jour, il composera un album au piano. Connu pour son incroyable voix et ses qualités de guitariste, Jones l’est beaucoup moins lorsqu’il s’agit de poser ses mains sur les touches d’un piano. Bien qu’il en possède un chez lui, il ne sait pratiquement pas en jouer. Puis un soir d’hiver, il se met à composer une chanson, puis une autre. Rapidement, une dizaine de morceaux voit le jour.
C’est ainsi que nait ‘Inevitable Incredible’, le deuxième album solo de Kelly Jones. Pour l’enregistrer, le chanteur s’est rendu au studio Ocean Sound situé sur une minuscule île isolée en Norvège, sorte de cabane face à la mer loin des distractions du monde extérieur. Exit donc les lourdes guitares des Stereophonics, cet album consiste en huit ballades douces et mélodieuses principalement composées en piano-voix et agrémentées de subtils arrangements de cordes et de guitares acoustiques. Et il suffit d’entendre le son des vagues sur le titre éponyme ouvrant l’album pour en connaitre le ton. Calme et introspectif, ‘Inevitable Incredible’ explore les peurs, les doutes et les regrets de l’artiste gallois qui a trop souvent fait ce qu’on attendait de lui dans l’espoir de capter l’attention et le respect de ses pairs. A l’aube de la cinquantaine, Jones a ainsi ressenti le besoin d’explorer à sa manière de nouveaux horizons, d’utiliser de nouvelles tonalités, de concevoir des paysages musicaux différents d’un projet à un autre.
Mais bien que l’on puisse admirer le caractère minimaliste et profond de ces compositions, tranchant avec le son puissant de son groupe d’origine, l’ensemble pêche par son manque de nuances et de relief, se révélant un brin monotone sur la longueur. ‘Inevitable Incredible’ ne restera donc pas dans la postérité mais ne laissera cependant personne complètement indifférent. On retiendra l’entrainant Echowrecked ou encore l’envoutant et dramatique Turn Bad Into Good que l’on pourrait imaginer figurer dans la BO du prochain James Bond, à l’image de ce qu’a pu produire le regretté Chris Cornell. A la fois cinématographique et apaisant, ‘Inevitable Incredible’ est davantage l’œuvre d’un artiste qui, en plus de 30 ans de carrière, ne s’est jamais autant livré, se plaçant volontairement dans une position des plus vulnérables. Un album où la plume romantique de Kelly Jones fait à nouveau mouche, apportant douceur et paix intérieure qui font beaucoup de bien dans le climat actuel.