Pileos : « Très tôt la musique est devenue centrale dans ma vie »
Amateurs de folk, de grands espaces et de nature, vous êtes au bon endroit. Le jeune chanteur Pileos concocte des chansons qui invite au voyage et à explorer le monde qui nous entoure. Son premier EP, ‘Rêver’, est sorti en automne dernier et nous avait grandement séduit. S’inspirant d’artistes folk et pop tels que Hollow Cave, Radical Face ou The Lumineers, Pileos tire son épingle du jeu en proposant des textes en français et ça fonctionne plutôt bien. Nous avions envie d’en savoir plus sur la personne derrière ce chouette projet musical et c’est au cours d’une belle conversation téléphonique que nous avons apprit à connaître cet artiste curieux et inspirant.
The Morning Music : Raconte-moi comment est née l’aventure Pileos.
Pileos : Cela fait des années que je fais de la musique et j’avais envie de créer mes propres chansons mais aussi de travailler le son, plus que l’écriture ou la composition. Développer un son à la fois moderne et folk, légèrement country ou americana. J’ai fait la rencontre de Pierre Locatelli qui a réalisé mon EP et on a fait une première session studio qui a été une franche réussite, le résultat d’une entente humaine, artistique, musicale. On s’est beaucoup amusé à faire le premier titre de l’EP, on aimait comment ça sonnait et on voulait tous les deux aller plus loin donc on est parti sur l’idée d’enregistrer 5 titres. Maintenant il travaille sur des musiques pop et urbaine avec des synthés et des grosses drums mais comme il vient de la folk, il a tout de suite compris ce que je voulais faire. C’est comme ça qu’on a réussi à créer le son qui est pour moi l’essence de Pileos.
TMM : Pileos fait référence à un bonnet antique c’est bien ça ?
Pileos : Oui, c’est ça, le Pileus en latin est le bonnet qui symbolise la liberté car il désignait les esclaves affranchis dans l’Antiquité. Et le Pileus a notamment inspiré le bonnet phrygien. J’ai choisi de remplacer le u par le o comme ça il y a mon prénom dedans et puis c’était un mot qui n’existe pas.
TMM : Ton premier EP ‘Rever’ est sorti l’an dernier et les critiques sont plutôt très bonnes !
Pileos : Oui c’était au-delà de mes espérances. Je suis quelqu’un de très perfectionniste, je l’ai enregistré plusieurs fois, surtout parce que j’ai la chance d’avoir un studio chez moi, tout comme Pierre. Il y a plein de copains qui sont venus enregistrer sur l’EP mais il n’y a pas eu beaucoup d’intervenants extérieurs vu que je fais plusieurs instruments. Donc on n’a pas eu de difficulté à réenregistrer des choses, notamment les voix, pendant un an. C’est Pierre qui m’a poussé à sortir l’EP car je n’arrivais pas à être satisfait du résultat. Mais au final les retours aussi bien de la presse que du public sont très bons. Les gens sont venus écouter l’EP et ont vraiment accroché. J’avais du mal à imaginer que les gens puissent venir écouter ce que je faisais. C’est hyper valorisant et ça me sert de moteur pour écrire la suite. Si ça a plu à des gens, il faut que j’écrive d’autres chansons et que je continue.
TMM : Comment sait-on qu’une chanson est vraiment finie ?
Pileos : Le plus dur c’est d’accepter que ça ne l’est jamais. C’est une décision purement arbitraire quand on est en studio et qu’on se dit qu’il faut arrêter et avancer parce qu’il n’y a pas vraiment d’éléments tangibles. Le fait de jouer les chansons en live permet de les faire évoluer. Je veux pouvoir proposer une expérience qui est différente pour que les gens qui viennent me voir en concert ne viennent pas juste écouter l’EP sur des grosses enceintes. C’est ça qui est un peu magique dans la musique, c’est de pouvoir chanter une chanson dix ans plus tard et de pouvoir offrir d’autres versions. A la fois, il y a cette dimension éternelle dans le fait de mettre une chanson sur un support physique pour que les gens puissent l’écouter toute leur vie de la même manière. C’est un instant figé, comme une photographie. Et à la fois cette même chanson peut évoluer sur scène. Prends l’exemple de Love Me Tender qu’Elvis Presley chante au début de sa carrière avec une attitude langoureuse et passionnelle; et puis à la fin de sa carrière, on le retrouve bedonnant, malade et il la chante parce que les gens la veulent mais avec une autre attitude qui raconte une autre histoire. Il y a quelque chose de désinvolte. C’est comme Hurt de NIN que chante Johnny Cash alors qu’il va mourir ou encore Show Must Go On de Queen qui est sortie après la mort de Freddie Mercury. Je pense qu’une chanson n’a jamais fini d’évoluer au final.
TMM : Tu tires tes influences d’artistes anglophones comme Mumford & Sons, Hollow Cave ou les Lumineers mais tu as fait le choix de chanter en français…
Pileos : J’ai commencé à écrire des chansons en anglais quand j’étais ado. Je suis passionné par la langue anglaise depuis que je suis tout jeune. J’y reviens pour d’autres projets parce que ça me permet de dire des choses que je n’oserais pas dire en français, ce serait trop intime et intense pour moi. Mais dans un sens, je trouve qu’il y a une démarche d’authenticité dans le fait de chanter dans ma langue. Les gens qui m’entourent vont me comprendre. Cela m’a permis de me plonger dans la poésie française et de découvrir le sens des mots. On a une richesse en français qui permet beaucoup de nuance. J’ai aimé jouer avec les sonorités en français et je trouve qu’il n’y a pas tant d’artistes qui osent ne pas trop se soucier du sens et s’amuser avec les sons des mots. Je me suis dit que ça pouvait être fun de le faire et j’ai essayé de faire en sorte qu’il y ait aussi du sens et un côté poétique. Je suis notamment en train de préparer un recueil de poésie et de photos à côté. C’est devenu assez instinctif d’écrire en français maintenant chez moi.
TMM : Il y a des poètes ou des auteurs français qui t’inspirent au moment d’écrire des textes ?
Pileos : Pas tant en vrai, je n’ai pas beaucoup de références en poésie. J’ai lu quelques poèmes de Rimbaud et de Baudelaire mais j’ai du mal à lire des recueils de poésie. Je fonctionne beaucoup au coup de cœur et aux recommandations de mes amis. Je suis notamment allé une fois ou deux au Cercle des poètes à Paris où des gens lisent des poésies. Je trouve que la poésie ça se vit, ça se dit. Il y a aussi Les grandes histoires, autres soirées centrées sur la poésie et le slam. J’y ai rencontré des gens qui m’ont ouvert à l’écriture. En chanson française, j’aime beaucoup la plume de Pomme par exemple. Et je suis tombé récemment sur Un terrain en pente, une chanson d’Alain Souchon et j’ai eu des images très fortes qui me sont venus en l’écoutant. J’aime beaucoup aussi Renan Luce. Ça me parle dès que c’est poétique et quand la réalité est suggérée.
TMM : Peux-tu nous parler du titre Aiyanna et de la légende du même nom ?
Pileos : L’histoire d’Aiyanna, c’est une métaphore de la vie. Cette histoire raconte l’exil d’un homme qui ne se sent pas bien où il se trouve, qui sait qu’il n’est pas au bon endroit et qui part alors en quête de quelque chose sans bien savoir quoi. C’est une histoire qui me parle beaucoup car je pense que ça arrive à tout le monde dans la vie de se rendre compte qu’on n’est pas toujours au bon endroit, qu’il faut agir mais sans avoir d’idée où aller. Dans la légende, le personnage traverse un désert pour aller vers un eldorado, une sorte de cité au milieu du désert. On lui a dit qu’elle existait, il ne sait pas si c’est vrai mais en même temps il n’a pas vraiment le choix. Sur son chemin, il passe par des moments de doutes, de peurs, d’angoisses. Il tombe, trébuche, se relève. Il finit par mourir dans le désert sans atteindre sa destination mais c’est au moment de mourir qu’il comprend que tout ce chemin parcouru, c’était l’Aiyanna. Ce n’était pas une cité physique dans le désert mais le voyage qu’il a vécu. Aiyanna veut dire fleurissement éternel. C’était ça l’idée de cette chanson, de se dire qu’on passe notre vie à évoluer, à fleurir et à se développer..
TMM : Tu as tourné le clip de cette chanson en Savoie au pic de L’Aiguille Rouge. Toi qui as grandi et vis à Paris, d’où te vient ce gout pour la nature et les grands espaces ?
Pileos : Eh bien ça me permet de te parler de ma chanson Premières heures. Quand j’ai eu mon permis, j’ai commencé à vadrouiller par ci par là. Et puis j’ai fait un gros burnout à Paris. J’étais étudiant et je faisais beaucoup de choses à côté. Je montais des courts-métrages, je faisais de la musique et beaucoup de sport. Mais à un moment donné, je n’arrivais plus à tout gérer. J’ai ressenti le besoin de partir loin de tout, mettre de la distance et prendre du recul. Donc j’ai pris la voiture et je suis parti. J’ai roulé sans vraiment savoir où j’allais et j’ai fini par arriver à Étretat. J’ai compris à ce moment-là que la ville était anxiogène pour moi. C’est le thème de cette chanson. J’ai vraiment kiffé partir, être loin, dormir dans ma voiture au milieu de nulle part et me réveiller au bord de la mer ou dans une forêt. De là, j’ai commencé à faire des road trips, seul et ensuite avec des amis qui kiffaient ça aussi. Encore maintenant, je pars souvent en escapade dans la nature.
TMM : Ça permet de déconnecter…
Pileos : Maintenant que je fais de la musique je ne peux plus me le permettre mais avant je prévenais mes proches que je partais et je coupais mon téléphone. Je pouvais partir toute une journée voire même plusieurs jours. J’ai fait un film qui s’appelle 80 km/h avec Vincent Beck Mathieu qui est photographe et réalisateur. On est parti sur la route pendant un mois, on faisait des petits sauts de puce plus ou moins tous les jours sans trop prévoir et en se laissant porter par les rencontres. Rapidement s’installe une certaine monotonie, une routine qui favorise l’introspection. On apprend à apprécier aussi bien le silence que le fait de vivre une expérience humaine. On a vu de très beaux paysages. J’ai composé et écrit la musique de ce film sur la route puis je l’ai enregistré en rentrant. Je garde un souvenir magique de ce voyage, de ces découvertes, ces rencontres, ces instantanés. Il y a quelque chose qui me fait évoluer encore aujourd’hui, c’est de sortir de ma zone de confort. J’ai le souvenir d’un road trip à Hossegor où je me suis retrouvé seul avec tous ces gens qui faisaient la fête, tous beaux et bien habillés alors que moi ça faisait trois jours que je dormais dans ma voiture. J’avais envie de contact humain, de rencontres mais j’avais peur d’aller voir ces gens. J’ai dû sortir de ma zone de confort, aller chercher au fond de moi pour comprendre pourquoi et trouver la force d’aller vers eux. Il y avait une scène ouverte et j’y ai passé une belle soirée mais ça m’a demandé de sortir de ma zone de confort. Ces expériences finissent toujours par nous apporter quelque chose de fort, dès qu’on réussit à dépasser nos peurs et nos appréhensions. C’est intéressant cette notion-là dans le road trip.
TMM : Est-ce que la musique a toujours fait partie de ta vie ?
Pileos : Il y a toujours eu de la musique à la maison. Mon père écoutait du jazz, de la chanson française et du folk aussi, ma mère du classique plutôt. Les moments dont je me souviens surtout, c’est quand on écoutait de la musique dans la voiture quand on partait en vacances. C’est peut-être pour ça que j’aime écouter de la musique en voiture d’ailleurs. Je me suis mis à faire du piano jeune mais je n’aimais pas ça, c’était trop difficile et j’ai abandonné assez vite. J’y ai repris goût vers 12-13 ans quand j’ai vu mon cousin sur scène et j’ai compris à ce moment-là l’impact qu’on peut avoir quand on est musicien. La musique, ça se partage, ça se vit à plusieurs, c’est quelque chose d’émotionnel, intense et je me suis dit que c’est ça que je voulais faire. J’ai alors commencé à apprendre la guitare et la basse. Depuis ça, la musique a commencé à devenir centrale dans ma vie.
TMM : Composes-tu déjà de nouveaux titres ?
Pileos : Oui je commence à travailler sur mon deuxième EP. J’aime bien ce format, ça me permet d’expérimenter des choses. 12 titres c’est énorme alors que 5 titres ça me permet de tester et d’essayer. J’ai vraiment l’impression d’avoir fait un patchwork avec le premier EP de pleins de choses que je voulais tester. Maintenant je sais mieux où je veux aller mais j’ai encore pleins de nouvelles idées. Avec Pierre, on est en train de travailler sur celles-ci. Je ferais certainement un album quand je me sentirais prêt mais pour l’instant je préfère faire des petits EP.
TMM : Est-ce que tu vois aussi ton évolution avec le fait d’avoir de la scène avec cet EP là ?
Pileos : Ah oui, complètement. La scène influence beaucoup mes chansons, chose que je n’avais pas mesuré au départ. Donc je sais que je vais roder mon deuxième EP sur scène avant de l’enregistrer. D’ailleurs dans mon spectacle que les gens peuvent découvrir le 15 mars à l’Empreinte, il y a déjà des chansons de mon deuxième EP. Je pense qu’il sera beaucoup plus intense et énergique à ce niveau-là.
Rêver, EP déjà disponible. En concert à l’Empreinte le 15 mars 2024.