A quelques jours de la sortie de ‘Férel’, le premier album de Fuzeta, c’est dans les locaux de l’Echonova que j’ai rendez-vous avec Pierre Antoine Sims, guitariste-chanteur du groupe vannetais. Formé par trois frères, Dorian, Charles-Alexandre et Pierre-Antoine donc, Fuzeta tient son nom d’un petit village du sud du Portugal où ils ont passé quelques vacances. Les noms, les lieux, les paysages ont une grande importance dans l’histoire du groupe. Avec ‘Férel’, le quintet livre un opus abouti qui nous fait voyager dans les grands espaces américains à travers 12 titres, 12 fresques sonores. ‘Férel’ appelle à l’évasion avec ses mélodies entêtante, ses voix qui s’entremêlent. Il y a quelque chose d’aérien, de sauvage, d’authentique dans la musique de Fuzeta qui mélange l’élégance de la pop à la tension du rock. Tout ce qu’on aime chez The Morning Music. L’occasion était donc toute trouvée pour évoquer avec Pierre-Antoine la genèse du groupe et d’explorer en détail ce nouvel album qui sort dans les bacs le 9 février. Rencontre.

The Morning Music : Comment tu te sens à quelques jours de la sortie de cet album ?

Pierre-Antoine : Très impatient pour plusieurs raisons mais avant tout parce que c’est le premier album de Fuzeta. Même si on a quelques années maintenant, on avait jusque-là sorti que des EP’s. C’est toujours un peu symbolique quand c’est un long format. Impatient également parce que c’est un disque qu’on a enregistré il y a quelques années entre les deux confinement en 2020 dans un studio à Laval avec Amaury Sauvé. On a attendu que les crises sanitaires passent mais alors qu’on prévoyait de sortir le disque en 2023, on a eu la chance de décrocher une distribution avec Baco Music. On a donc repoussé l’échéance encore une fois mais on est content parce que les gens pourront l’acheter partout.

TMM : Revenons si tu veux bien sur la genèse du groupe. Avec tes frères Dorian et Charles-Alexandre, vous formez Fuzeta il y a à peu près 10 ans.

Pierre-Antoine : Oui c’est ça. On avait déjà créé des projets ensemble et puis un jour Dorian a proposé l’idée de chanter notre enfance, raconter là où on a grandi, évoquer la nature : tous les sujets qui nous font converger, de manière plutôt nostalgique. On a alors créé ce son très lumineux, très simple, qui épouse le thème des chansons, avec ce format des trois voix qui chantent à tue-tête, comme pour illustrer encore davantage notre enfance. Cela a créé cette identité. On l’a fait écouter à des gens et ils ont réellement bien accroché. On était assez surpris mais on a compris qu’il y avait quelque chose d’assez fort, d’assez unique. Et puis c’est parti en flèche. Pour notre premier concert, on a été programmé aux Indisciplinés à Lorient. La même année, on a joué aux Transmusicales à Rennes et quelques mois plus tard on a gagné le prix Ricard Live Music qui est un énorme tremplin musical. Quatre mois plus tard on signait chez BMG. On a beaucoup tourné pendant quatre ans et puis la crise sanitaire nous a freiné.

TMM : Trois EP plus tard, vous êtes rejoints par Charles à la batterie et Thomas aux claviers.

Pierre-Antoine : Vu qu’aucun de nous ne fait de la batterie, Charles s’est logiquement joint à nous. Et Thomas est arrivé dans l’équation lorsqu’on a voulu sortir du modèle guitare basse batterie pour produire plus de textures et ajouter de la couleur. Dans notre ADN, on aime jouer la musique en vrai. On ne voulait pas être enfermés dans un modèle mécanique et monter sur scène avec un ordinateur. On fait partie de ses groupes qui sont un peu old school. L’alternative, c’était donc d’embaucher quelqu’un et on a eu la chance de rencontrer Thomas.

TMM : Vous voilà avec un premier album, intitulé Férel. A quoi fait référence ce nom ?

Pierre-Antoine : On aime bien être ancré dans notre histoire et les territoires dans lesquels on a vécu. Férel, c’est une commune, une sorte de carte postale au bord de la Vilaine dans le Morbihan où nos parents ont construit une maison à notre retour des États-Unis. Pour notre premier album, on s’est dit que ça ferait sens, du fait qu’on raconte dans nos chansons ces moments de nostalgie, la lumière d’été, les tempêtes, tous ces lieux qui nous ont influencé, nos histoires d’enfance. Cela semblait logique d’y rattacher des lieux.

TMM : On retrouve dans Férel votre essence, votre patte avec ces mélodies aériennes et ces harmonies vocales. Votre musique est visuelle, cinématographique. Cela me permet de faire le lien avec les Etats-Unis, est-ce que le fait d’avoir grandit là bas, a quelque part façonné votre son ?

Pierre-Antoine : Sûrement un peu. Déjà parce que dans Fuzeta, on chante en anglais. On a été baigné dans cette langue dès le plus jeune âge. Et puis on pourrait rattacher notre musique à une scène Indie rock américaine. On ne sonne pas comme un groupe anglais ! Peut-être que le fait d’avoir grandi aux États-Unis a apporté ce côté visuel. Quand on chante, on essaye de raconter nos histoires, avec chacun d’entre nous les images qui nous viennent en tête et qui nous sont propres. On se partage ces visions et cela crée une énergie incroyable entre nous, une connexion. Ce qui a pu jouer aussi c’est le fait d’avoir des photos de nous enfants, en Californie, à Monument Valley, dans des paysages fous qui ont construit notre imaginaire. On a de la chance parce qu’on avait un père qui était très bon photographe. Il faisait de très jolies photos de nous que l’on peut d’ailleurs retrouver dans l’album. Hormis la pochette, ses photos accompagne toutes les sorties de single et celle à l’intérieur du CD est une photo qu’il a prise à Penestin.

TMM : Lorsque j’écoute votre musique, je pense à un mélange entre Kings Of Leon et Explosions In The Sky avec un peu de Stuck In The Sound et de Local Natives. Comment est-ce qui tu décrirais votre musique et est ce qu’il y a des groupes qui vous ont inspiré plus que d’autres ?

Pierre Antoine : Ça fait une sacrée liste de groupes cool que tu viens de citer. Quand tu connais Kings of Leon et Explosions In The Sky, tu te demandes quel est le rapport entre ces deux groupes. Mais c’est vrai que quand tu écoutes notre musique, il y a ce côté inclassable avec des fins épiques à la Explosion In The Sky qui contraste un petit peu avec notre univers pop. En live, cela crée cette dynamique qui fait que ça reste de la musique à guitare mais ce n’est pas qu’un concert de rock. On a été influencé notamment par Grizzly Bear, Arcade Fire, et Foals d’une certaine manière, par ces groupes de rock hybride qui peux être très classe mais des fois un peu énervé. Ce qui est drôle c’est que quand on a créé ce groupe on ne les connaissait pas. On converge vers ces groupes là mais il n’y a pas d’effort particulier qui est fait pour leur ressembler.

TMM : Férel est un album contrasté dans lequel on trouve à la fois des titres très dynamiques tels que More Than Bliss ou Venetian et d’autres plus mélancoliques comme This Early Morning ou Last Home. Cette ambivalence c’est ce qui fait selon toi, partie de l’identité du groupe ?

Pierre-Antoine : On ne se dit jamais qu’on va faire un morceau calme ou un morceau énervé. Si on veut parler de la mort de notre grand-mère, on sait que ce ne sera pas un morceau de death métal. La musique se prête au thème de la chanson. Prenons un titre comme Over and Over qui est à la fin de l’album. J’ai écrit la musique le lendemain du Bataclan. Même si le texte ne parle pas de ça, c’est forcément un morceau intense, pas très joyeux. This Early Morning dont tu parles est un morceau que j’adore écrit par Charles-Alexandre qui raconte la naissance d’un point de vue du bébé. On a tous des enfants dans le groupe et on a voulu parler de ce qui nous rassemble. Forcément, ce morceau à une couleur que les autres n’ont pas.

TMM : C’est le morceau dont tu es le plus fier de l’album ?

Pierre-Antoine : Je ne dirais pas ça. J’aime beaucoup More Than Bliss et Venetian aussi. Celui-ci a juste une couleur que j’adore. L’album est un vrai chemin. On peut faire le choix d’écouter les titres dans le désordre mais il y a vraiment une attention portée au travail de narration. J’encourage les gens à écouter la face A du vinyle, puis de le retourner pour écouter la face B. En plus, il y a deux couleurs différentes sur les deux faces. On a vraiment beaucoup travaillé pour accoucher d’un album abouti mais aussi d’un bel objet. On y a mis toute notre âme, tout notre savoir-faire.

TMM : Tu me parlais à l’instant de More Than Bliss, quelle est l’histoire de ce titre qui ouvre l’album ?

Pierre-Antoine : More Than Bliss, c’est un morceau qui parle de notre lien fraternel et de la fraternité en général. C’est un thème central, récurrent, chez Fuzeta. Ce titre, c’est l’histoire de nos pérégrinations sur la Vilaine. Il n’y a pas vraiment de traduction en français pour bliss, mais il y a l’idée que quand tu t’envoles, tu es avec moi. C’est une forme d’amour absolu, la définition de la fraternité. On exprime ce lien qu’on a avec quelqu’un de très proche, un parent, un enfant, en lui disant qu’il est plus que ce que cette espèce de bonheur déjà incroyable.

TMM : Ça fait quoi de faire de la musique avec ses frères ?

Pierre-Antoine : C’est incroyable de vivre ça ensemble. De faire des concerts et de partager ces moments. On est allé jouer en Chine, au Vietnam, et quand on se retrouve aux repas de famille, on n’a pas besoin de raconter nos voyages parce qu’on les a vécu ensemble. Faire de la scène c’est quelque chose qui m’habite, si je ne pouvais plus en faire, je serai triste. C’est une émotion qui t’envahit et d’autant plus quand tu lèves la tête et qu’il y a autour de toi deux personnes qui sont parmi les plus importantes de ta vie. Bien sûr parfois on n’est pas d’accord, parfois on se fâche, comme tout le monde. Et puis on a ce luxe de pouvoir dire non. Et même si on raconte nos histoires, on retrouve quelque chose d’assez universel dans nos chansons. Fuzeta, c’est une sorte d’échappatoire, un espace où il n’y a pas que de bons souvenirs, pas que des sensations agréables. Pour autant, on ne parle pas de quotidien. On essaye de raconter des histoires qui ont quelque chose d’intemporel, d’universel pour que les gens puissent s’y retrouver.

TMM : Deux titres se distinguent à mon sens du reste de l’album par leurs sonorités, Marla Loves You qui est plus heavy que les autres morceaux et Promises In The Air qui lui est plutôt pop. Ils apportent de la profondeur et de la nuance à l’ensemble tout en dévoilant l’étendue de votre univers.

Pierre-Antoine : Dans Marla Loves You, on retrouve ce gros riff hyper martelé. C’est très rock pour Fuzeta. Il raconte l’histoire de quelqu’un qui a plusieurs personnes dans sa tête, en référence au film Fight club qui a bercé notre adolescence. Ce titre est très libérateur à chanter en concert et il amène cette couleur dans le disque complètement assumée dans l’objectif de surprendre. Quant à Promises In The Air, c’est un titre également différent écrit par Dorian. Il était sur le point de ce marier à ce moment-là d’où le fait que tu trouves cette intro à l’orgue et puis ça part dans quelque chose à la MGMT. On avait vraiment foi dans ce morceau parce qu’on ne l’a quasiment pas retouché en studio.

TMM : Vous ferez votre release party au Bref, comment tu te sens à l’idée de retrouver la scène ?

Pierre-Antoine : Très impatient là encore. On a la chance de jouer dans ce lieu qu’on connaît bien. On a d’ailleurs filmé une session live sur le toit il y a peu de temps, une expérience assez folle. On avait deux heures d’autorisation de tournage pour y jouer de la musique en condition live. C’est le réalisateur vannetais, Matthieu Ezan, qui nous a filmé. Il a réalisé plusieurs clips pour nous dans le passé dont celui de More Than Bliss qui sortira le même jour que l’album. Et donc on joue le 16 février au BREF où on interprètera le set de la tournée. Une tournée qui a du mal à se dessiner car aujourd’hui pour jouer en France, c’est compliqué. On n’est pas dans une période favorable. Mais on a quand même quelques dates et on a vraiment hâte de présenter ce nouveau disque aux gens. On aura des vinyles à vendre mais aussi des T-shirts qu’on a produit de manière locale et éco-responsable grâce au magasin Partage à Vannes. Les gens qui le souhaitent pourront ainsi porter les couleurs de Fuzeta. Ça va être une grande fête et c’est gratuit en plus !

Férel, le premier album de Fuzeta disponible le 9 février 2024.

Previous

Elan sort Petit Prince son nouveau single

Next

Fête du Bruit à Saint-Nolff : Placebo, The Hives et Shaka Ponk à l'affiche

1 comment

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

A lire aussi