Auteur des succès Your Wish, The Keys et Sun, Talisco, le personnage créé par le bordelais Jérôme Amandi, revient sur le devant de la scène avec un quatrième album remarquable. Les douze titres qui composent ‘Cinematic’ forment une sorte de grande fresque sonore nous invitant à explorer les grands espaces, à sortir de notre quotidien morose pour y trouver un élan de positivité bienvenue. Loin d’être un auto-portrait, ce disque est davantage un hymne à la vie. Et c’est ce qui ressort de notre échange inspirant avec Jérôme Amandi, lui qui aspire à transmettre à travers ses chansons des valeurs d’une humanité sincère et juste dans un milieu qui ne l’est pas toujours.

The Morning Music – Vous revenez avec un quatrième album Cinematic, comment s’est déroulé le processus de création ?

Talisco : J’ai commencé à travailler sur l’album pendant le Covid il y a un peu plus de deux ans. Cette phase c’est une sorte d’exutoire pour moi. J’aime créer, j’aime écouter ces envies de voyages qui me viennent. Cela me permet de me libérer, de découvrir ce qui se passe ailleurs, de mettre en musique et de matérialiser mes fantasmes et mes rêveries.

TMM – Dès le premier morceau Ouverture, on reconnait immédiatement votre son, votre patte, cette capacité à concocter de grandes fresques sonores. Ces douze titres de manière générale invitent une nouvelle fois à l’évasion, que ce soit avec The California Shine ou June. Le titre de l’album semble évoquer ce lien entre votre musique imagée et le rapport au mouvement qui s’en dégage.    

Talisco : Vous avez bien défini l’idée. Il s’agissait de trouver un titre qui ne mente pas, qui ne raconte pas autre chose que ce qui s’est passé durant la composition de l’album. Dans mon processus d’écriture, il n’y a pas de morceau sans image, sans contexte visuel derrière. Dans ‘Cinematic’, il y a quelque chose de romantique, de grand, de large et je trouve que le terme s’y prêtait.

TMM – La nouveauté de cet album c’est que vous chantez aussi bien en anglais qu’en français, pourquoi avoir fait ce choix ?

Talisco : Après trois albums, j’avais envie de me challenger, de me surprendre moi-même. Musicalement, je serais incapable de faire autre chose que ce que je fais. Je ne pourrais pas changer la couleur de ma musique. Mais j’avais ce souhait de proposer quelque chose de nouveau qui puisse surprendre les gens. Et le choix de chanter en français s’est imposé comme une évidence. Aujourd’hui il y a énormément d’artistes qui passent de l’anglais au français donc je me suis servi de cette mouvance pour essayer à ma manière.

TMM – Comment s’est passé la collaboration avec l’écrivain et parolier Jérôme Attal pour l’écriture de ces textes en français ?

Talisco : J’ai adoré travailler avec lui. Pour moi c’était un exercice nouveau et j’avais envie d’être rassuré, d’avoir quelqu’un à mes côtés qui manie la plume. J’avais besoin de ressentir cette légitimité. Quand j’écris de la musique, je pars surtout d’une mélodie. Et je trouve que dans la langue anglaise, il y a ce côté sonore. Quand tu écris en anglais, la plupart des auditeurs se concentrent d’abord sur le son et puis éventuellement sur le texte. Alors qu’en français, c’est l’inverse. Ils vont essayer de savoir si je parle de moi ou pas. Il y a tous ces questionnements qui émergent. Donc je voulais être rassuré parce que je savais que les gens allaient passer plus de temps sur les textes.

TMM – Vos parents sont d’origine espagnole, est-ce une langue que vous souhaiteriez explorer sur un prochain album ?

Talisco : J’ai déjà créé des titres en espagnol mais j’aurais peut-être la sensation de m’éparpiller à chanter dans cette langue. Ce n’est pas exclu parce que c’est cohérent vis à vis de mes origines. Mais si je reviens sur mon choix d’écrire en français sur ‘Cinematic’, je me suis amusé, c’était une nouvelle expérience. Pour autant je ne me dis pas que l’avenir sera fait de titres en français.

TMM – Dans Human, le premier single de l’album, vous chantez “Human you’ve been warned “, en référence au Covid. Qu’est-ce qui a changé pour vous après cette période dans votre rapport au monde et à notre société ?

Talisco : Je pense qu’ils sont nombreux les artistes à avoir écrit des chansons en tenant un discours alarmiste après le Covid. Même en se plaçant en tant qu’être humain de manière générale, on est tous d’accord pour dire que ça nous a marqué parce qu’on ne s’y attendait pas. Cela a au moins permit que chacun porte un regard sur l’écologie, sur le sens donné aux choses, sur notre rôle sur terre. Mais pour autant je n’ai pas l’impression que les gens ont changé leurs habitudes. Ce que je voulais avec Human, ce n’était pas d’envoyer un message de paix ou d’alerter l’humanité pour faire évoluer les mentalités. Non, l’idée c’était plutôt de faire trembler les murs avec un morceau très puissant !

TMM – Car pour le monde d’après, on repassera…

Talisco : Exactement, on est bien revenu à nos bonnes vieilles habitudes immédiatement après cette période. Pour moi c’est une vraie tristesse. Je ne veux pas abandonner ou être fataliste mais il nous arrivera ce qui doit nous arriver. On ne retient pas de nos erreurs.

TMM – Il y a aussi dans vos textes des messages très positif invitant chacun de célébrer les petites victoires ou de garder la tête haute, je pense à Victory et Keep Ur Head Up. C’est important pour vous de transmettre ces valeurs dans vos chansons ?

Talisco : Oui parce que ce sont mes valeurs. Elles peuvent paraître égoïstes ou individualistes. Je n’ai pas pour objectif de sauver le monde mais plutôt de sauver l’individu en soit. Pour moi ça passe par prendre de la hauteur sur les évènements, profiter de ce que l’on a, de se sentir grand, de regarder loin devant. De s’apercevoir de la beauté des choses et d’en profiter. J’aime les esprits qui brillent, ceux qui ont envie d’agir, en comparaison de ceux qui ressassent. Dans chacun de mes albums, je parle et je continuerai de parler de ces sujets. Quand je crée ou quand j’écoute de la musique c’est pour me faire du bien. Bien sur qu’il va y avoir un ou deux morceaux plus tristes mais globalement le message est toujours relativement positif. C’est ce que j’aime dans la vie en tout cas.

TMM – Cela me permet de faire le lien justement avec le titre On My Skin qui est le plus calme de l’album. Que représente cette chanson pour vous ?

Talisco : Pendant le Covid, j’ai malheureusement eu une maladie. Tout va bien maintenant mais ça m’a pas mal secoué et cette chanson parle de ça. Je n’aime pas parler de moi dans mes chansons. Les paroles ne parlent pas directement de moi. On My Skin, c’est un morceau qui est un peu plus profond, qui a du sens parce que cette période m’a beaucoup marqué. Donc j’avais envie de le sortir, de me livrer davantage. J’ai d’ailleurs écrit une version en français qui était plus explicite mais j’ai préféré sortir celle en anglais. J’ai vraiment hésité à la mettre sur l’album mais je la trouve très belle, ça aurait été dommage de s’en passer.

TMM – Sur la pochette, on vous voit habillé en cowboy, une manière de continuer de construire ce personnage de Talisco ?

Talisco : Oui, il m’amuse ce personnage, il fait un peu partie du décor. Je l’aime parce qu’il est controversé. C’est un personnage qui peut faire rêver mais on peut aussi le détester. A travers lui, on retrouve ces notions de liberté et de brutalité. Il a un côté à la fois classe et décalé, hors-norme. Je ne m’en lasse pas et je n’ai pas fini d’en faire le tour. Il me fait voyager et me permet de créer. C’est le fil conducteur du projet au final.

TMM – Est-ce qu’il vous accompagne sur scène ?

Talisco : Non, quand je monte sur scène je ne porte pas mon chapeau, je ne l’incarne pas forcément. Et c’est le cas également dans la vie quotidienne. La part de moi que j’y mets, c’est cette envie de liberté, ce côté un peu brut parce que je suis comme ça. Donc il y a une part de ce personnage qui me ressemble. En revanche sur scène, ce qu’on livre c’est assez rock, bien qu’elle ne le soit pas quand on écoute l’album. Du fait qu’on soit trois musiciens, on ne peut reproduire les orchestrations en concert. Alors on doit l’adapter, la réécrire et la musique prend alors forme avec des sonorités plus rock, plus brutes.

TMM – On a pu entendre vos titres Sun ou The Keys dans des séries et des pubs, comment s’adapte-t-on à cette notoriété ? Est-ce une fin en soi quand on choisit ce métier ?    

Talisco : Je n’ai jamais eu la sensation de vivre une starisation. Je pense que c’est parce que j’ai commencé la musique sur le tard. Mais ça ne m’a jamais fait rêver d’être quelqu’un de connu et je n’ai pas la sensation de l’être. Ma musique l’est mais moi pas vraiment. Ce que j’aime c’est qu’on prenne ma musique, qu’on la mette sur des images et qu’elle soit diffusée. Que les gens la reconnaisse. Cela me permet aussi de continuer à faire de la musique sans avoir de contraintes financières et ça c’est hyper important aujourd’hui parce que c’est très difficile en tant qu’artiste d’être confortable. J’ai de la chance, je vis un rêve. Je me lève le matin, je fais de la musique, je m’éclate. Et ça me suffit amplement, je me sens libre.

TMM – Si la vie est un voyage, une succession d’instantanés, comment imaginez-vous la suite ? Que rêvez-vous d’accomplir désormais ?

Talisco : Je n’ai pas plus d’ambition que d’être, que de contempler ce qu’il y a autour de moi. Boire un café, ressentir l’air frais traverser mes narines et mes poumons, me sentir bien. Ce sont celles-ci mes ambitions. Je ne vise pas des zéniths. Certains qui recherchent ça diront que c’est super triste, que je dois prendre les devants, que je dois m’éclater. Moi je m’épanouis à faire de la musique sans grosses contraintes. Je suis absolument libre, c’est un luxe absolu. On fait des petits concerts dans des clubs, les gens s’amusent, tout ça reste très humain, familial. Et je n’ai pas envie de me rendre esclave de mon travail dans le seul objectif de satisfaire un égo. La vie ce n’est pas que de la réussite.

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