Le soleil a enfin montré le bout de son nez. Dehors, les oiseaux font leurs grands discours au milieu des champs. On peut dire que le printemps s’est fait attendre mais le voilà enfin arrivé en Bretagne. C’est dans un petit village de campagne que j’ai donné rendez-vous à Morgane G., chanteuse folk aux influences bluegrass, qui sort aujourd’hui son premier EP intitulé ‘Horizons’. Arborant un chapeau et une robe évoquant les contrées américaines, l’artiste vannetaise affiche un grand sourire comme à son habitude. Il y a chez elle quelque chose qui se dégage, une sorte d’aura, de celles qu’ont les vieilles âmes qui ont vu le monde et qui l’ont compris. Du pays, Morgane G. en a vu et ses voyages ont forgé l’artiste qu’elle est aujourd’hui, portées par des valeurs de partage et d’humanité. Rien d’étonnant de retrouver dans ses chansons les thèmes qui lui sont chers tout comme ses récits d’aventure vécues dans des contrées lointaines qui l’ont inspiré au fil des années. Composé de six titres, ‘Horizons’ puise dans le genre bluegrass la vigueur des chants du peuple, l’entrain des sonorités traditionnelles et la nature des textes appelant à l’évasion. Pour en connaitre un peu plus sur ce premier disque et son parcours, j’ai posé quelques questions à Morgane G.

The Morning Music : Comment te sens-tu à l’aube de la sortie de ton premier EP ‘Horizons’ ?

Morgane G. : Je suis forcément hyper impatiente de connaitre l’accueil des gens qui suivent mon projet depuis quelques années maintenant et d’en avoir les premiers retours. Je suis vraiment fière de pouvoir proposer un produit que j’aime et que j’ai envie de porter donc oui, je suis très impatiente.

TMM : Tu as travaillé pendant trois ans sur ce disque, qui est composé de six titres aux influences folk et bluegrass, peux-tu nous parler de la genèse de ce projet ?

Morgane G. : J’étais sur Paris depuis quelques années pour la musique, je jouais dans un duo. Et comme je suis amoureuse des grands espaces et de la nature, j’avais le souhait de revenir en Bretagne mais je craignais de moins réussir à gérer ce quotidien ici. Puis le covid est arrivé et je suis rentrée en Bretagne au moment du confinement. Je me suis dit que c’était un signe, que je pouvais travailler à distance, comme beaucoup de gens. Il y avait quelque chose de très paradoxal durant cette période. Les gens mettaient une certaine pression sur les artistes en espérant qu’on allait sortir des titres et que ça allait être incroyable. Pour moi on était tous à la même enseigne enfermés entre quatre murs donc je n’étais pas sûre de parvenir à créer. Mais ça m’a donné envie d’écrire, de parler de voyage, d’évasion, parce qu’on avait cette impossibilité de bouger et c’est ça qui m’a donné envie de créer Morgane G. C’est aussi grâce au fait que j’ai rencontré des musiciens très inspirants qui m’ont rapidement rejoint dans l’aventure. J’ai eu envie de créer un projet qui me ressemblait. C’était quelque chose qui murissait depuis quelques années. Et là c’était le moment. Notre musique s’est peaufinée au fil des années car j’ai tendance à écrire les morceaux et à les faire vivre pour après les poser sur un disque. Les chansons ont besoin de bouger avant d’être figées.

TMM : Dans ce disque il y’a du folk et du bluegrass, en quoi le bluegrass se distingue de la country ou de la musique folklorique dans le sens traditionnel du terme ?

Morgane G. : C’est un grand débat parce que je ne suis pas une chanteuse bluegrass pure, j’ai surtout des influences. Le bluegrass c’est comme une branche de la country, une musique traditionnelle américaine qui tient ses origines de la région des Appalaches. Je crois que ce qui me marque le plus dans la musique, c’est qu’elle rassemble et qu’elle est accessible à tout le monde. Il y a un côté très salvateur et cathartique. Le bluegrass à l’origine c’est vraiment le chant du peuple. C’est le fermier qui chante pour raconter que sa récolte de blé a été mauvaise par exemple. Tout le monde peut chanter en chœur et ça en fait un chant populaire qui rassemble. Ça me parle beaucoup et c’est ce pourquoi j’ai cette influence. J’écris en français donc bien sûr ce n’est pas traditionnel. Ça se distingue de la country notamment par le fait qu’il n’y ait pas de percussions dans ce qu’on fait, on n’a que des cordes et la contrebasse assure le côté rythmique. Un vrai travail est fait sur les harmonies de voix aussi. Ce ne sont pas des courants qui sont nés à la même période non plus mais il y a de fortes influences. Pour quelqu’un qui n’est pas mélomane, on pourrait considérer que ça ressemble à de la country. Quand on voit un banjo, on l’associe facilement à ce genre.

L’EP est porté par le single Aldebaran, qu’est ce que ce titre évoque ?

Morgane G. : Je n’aime pas parler de cette période de confinement parce que je trouve que c’est une excuse pour beaucoup de choses mais pour le coup ce titre est né à ce moment là. J’avais envie de parler d’astres dans cet EP parce que ça me parle beaucoup. Ce qui m’anime, c’est voyager et rencontrer d’autres personnes. Comme on ne pouvait pas le faire, je me suis dit qu’il allait falloir voyager autrement et j’ai eu envie de créer ma planète sur laquelle je me sentirais bien, y mettre tout ce qui me parlait, pouvoir me retrouver quelque part simplement en fermant les yeux. Aldebaran est né de là. J’en ai parlé à un ami guitariste et on a créé cette planète ensemble puis on a invité tous les musiciens qui ont eu envie de venir dessus. On y a mit donc de manière imagée tout ce qui sur le moment me faisait voyager en cette période compliquée. Elle portait bien le symbole du voyage, de la douceur et du bien-être.

TMM : Tu as beaucoup parlé de voyage et on le ressent dans les chansons, dans quelle mesure tu as puisé dans ton histoire personnelle pour les écrire ? Y’a t-il des voyages qui t’ont plus inspiré que d’autres ?

Morgane G. : Quand on est artiste, on ne peut pas juste parler de quelque chose qui est joli selon moi. J’avais besoin de parler aussi de valeurs, évoquer le voyage au sens pur, le fait de partir et de rencontrer les populations locales, de vivre dans un pays. Aldebaran parle de voyage sous un angle plutôt psychologique mais Méridienne de l’aube par exemple est née en Amérique latine où j’ai travaillé. Je suis littéralement tombée amoureuse de cette partie du globe. Ça m’a complètement chamboulée et c’était primordial pour moi de le raconter en chanson. Je voulais parler de l’importance de profiter des moments de vie plutôt que de voir un maximum de choses, vraiment aborder le voyage sous l’angle du ressenti et des expériences qu’on peut vivre, comme le fait de se retrouver autour d’une table entourée d’inconnus et se rendre compte du moment qu’on est en train de vivre qui est plus fort que le reste et c’est le sujet de Méridienne de l’aube. C’est au fil de plusieurs voyages que cet EP s’est dessiné.

TMM : Les rencontres qu’on fait en voyage comme tu le dis sont très inspirantes…

Morgane G. : Pour moi c’est juste vivre. Ce qu’on oublie de faire paradoxalement, à vouloir être dans une sorte de surenchère du nombre de pays visités. On se rend compte que tout ça c’est superflu quand on voyage. J’aime prendre le temps de vivre et profiter de ces instants là qui sont plus riches que nombre de choses. Avant de faire de la musique je travaillais dans le développement du tourisme durable et solidaire avec ces logiques de consommer local, d’aller dormir chez l’habitant, d’éviter les grosses structures où on ne rencontre pas les locaux. Ça m’a permit d’ouvrir les yeux notamment sur le respect de l’humain. Ces rencontres avec des populations parfois reculées m’ont donné envie d’écrire, comme le fait simplement de croiser un regard et se dire que cette personne va nous marquer sans même lui parler. L’EP est vraiment porté par des valeurs, telles que de respect de l’homme mais aussi des animaux, des valeurs qu’il était pour moi urgent de clamer.

TMM : Le voyage est présent jusque dans la pochette, on reste dans un univers bercé par l’imaginaire de l’ouest américain avec ses plaines arides, ses couleurs, son histoire, comment tu l’as conçu ?

Morgane G. : Je suis très exigeante parce que pour moi ce que l’on dégage sur les titres doit être soutenu par les visuels. Les gens qui ne connaissent pas le projet doivent y voir une cohérence donc j’y ai vraiment mis du cœur. Pour la pochette je voulais une photo qui regroupe en un regard ce que j’avais envie de dire et pour le côté bluegrass, je visualisais les paysages montagneux et les plaines américaines mais je n’avais pas le budget d’aller aux Etats-Unis. J’ai alors proposé à Baptiste Hauville, le photographe, de faire un aller-retour à Bardenas Reales, en Espagne. Je lui ai dit « bon, j’ai de demain 16h jusqu’à après-demain 16h pour y aller ». On ne se connaissait pas mais il s’est laissé convaincre et on est parti en van. J’ai de la chance que les gens me suivent dans mes grandes idées (rires). On a du avoir une grosse demi-heure sur place pour faire le shooting et on est repartis. Mais c’était un vrai moment de vie et de partage, au delà de la photo. C’était ça que je voulais que ça évoque. Mais quand j’y repense c’était quand même très drôle. On a passé un bon moment, c’était super.

TMM : Louve se différencie un petit peu des autres chansons de l’EP par les sonorités même si c’est une chanson qui parle de nature, peux-tu nous en dire un peu plus ?

Morgane G. : Quand on a une feuille blanche et qu’on veut écrire un EP, il faut essayer en six morceaux, ce qui est très peu, de définir qui est Morgane G. Je voulais parler de voyage, ça c’était une évidence. Mais je voulais aussi aborder le thème de la nature et des animaux parce que ça me vient aussi naturellement. Parler de quelque chose qui est extérieur à soi c’est difficile parce qu’il faut que ça puisse faire écho. Avec le poids des mots en français où rapidement on touche à des sujets forts, ça peut sonner kitch. On a donc beaucoup discuté avec Anne-Laure avec qui j’ai co-écris Louve. On a développé ensemble ce thème de la nature et des animaux, on est parti du texte et puis on a rajouté les instruments. Notre arrangeur Glenn est arrivé à la toute fin et voyait quelque chose de très marqué au niveau instrumental pour contrebalancer le texte. On ne voulait pas que ça sonne comme de la variété, ce n’est pas péjoratif, mais ce n’est pas ce vers quoi je voulais aller avec ce titre.

TMM : Tu fais de la musique depuis longtemps parce qu’avant ce projet, tu jouais dans un duo, comment tu es venue à la musique ? Est-ce que tu as toujours eu envie de chanter ?

Morgane G. : Oui, j’ai toujours chanté. Je ne viens pas d’une famille de musiciens mais j’ai toujours eu de la musique dans les oreilles. Mes parents en écoutait beaucoup à la maison et mon papa animait des soirées quand j’étais petite. Au lieu de dormir dans les chambres, j’allais me coucher collée aux enceintes parce que la musique me berçait. Donc j’écoutais beaucoup de musique et comme toutes les petites filles je chantais avec ma chaussure en guise de micro (rires). Et puis durant mes études j’ai commencé à chanter dans les bars et les cafés, les fêtes de la musique locales. Ça restait très amateur jusqu’au jour où je suis allé à une scène ouverte dans un café à Vannes. J’étais morte de trouille. Jamais je n’aurais pensé chanter devant les gens mais un ami guitariste m’a convaincu de l’accompagner pour chanter un titre et les gens ont été très réceptifs. La responsable du café est venue me voir à la fin et m’a dit qu’elle voulait que je vienne chanter tous les vendredi. Ce que j’ai fait pendant deux ans. C’était très formateur parce que je chantais une heure toutes les semaines. Je suis ensuite partie parce que la personne avec qui je jouais dans ce café est décédée et j’ai ressenti le besoin de couper avec la musique, je ne voulais plus en entendre parler. J’y ai vu un signe, il fallait que j’arrête alors même que je commençais à trouver ma voix, ma patte. J’ai quitté la France pour aller travailler au Costa Rica puis à Madagascar. Et puis avant de repartir sur une nouvelle mission en Palestine, j’ai croisé Jeff avec qui j’ai monté mon duo. A l’origine, on devait partager la même scène et j’aimais bien son jeu de guitare alors j’ai proposé qu’on essaie de faire une date ensemble. De là, on nous a fait plein de propositions. J’ai laissé mon travail en me donnant un an pour réussir avec ce projet. Au bout de deux mois on nous proposait de faire le Off des Francofolies, de jouer dans un café à Carhaix pendant les Vieilles Charrues. J’ai donc bien fait parce que ça va faire neuf ans que je suis artiste.

TMM : Tu parlais de tes parents tout à l’heure, ils jouent forcément un rôle dans l’accès à la musique, quels disques ou vinyles ont marqué ton enfance ?

Morgane G. : Il y en a eu tellement, c’est difficile comme question. Paradoxalement j’écoutais des choses qui n’ont rien à voir avec ce que je fais aujourd’hui comme Otis Reeding. J’adorais le jazz, j’écoutais vraiment de tout. Et puis ça dépend de la période parce que je ne suis pas sûre d’assumer ce que j’écoutais dans les années 90 (rires).

TMM : Avec tes musiciens vous allez prendre la route tout au long de l’année et vous êtes notamment à l’affiche du festival La Roche Bluegrass, qu’est ce que ça fait de se produire dans le plus grand festival de bluegrass d’Europe ?

Morgane G. : C’est une belle reconnaissance parce que ça nous a demandé beaucoup de travail d’arriver jusque là. Chanter ce n’est pas facile, jouer d’un instrument non plus et beaucoup ne voient que la partie émergée de l’iceberg. Je suis quelqu’un qui travaille d’arrache-pied, je ne m’arrête pas parce que ça me passionne et je sais que c’est un milieu où si on s’arrête il ne se passe rien. Donc c’est une très belle reconnaissance qui plus est de jouer dans un festival de bluegrass parce que c’est un style très teinté qui m’inspire énormément. On va partager la même scène avec des pointures du milieu et c’est hyper stimulant. Donc je n’ai qu’une hâte c’est d’y être, de rencontrer des personnes incroyables. Je trépigne d’impatience.

TMM : Est-ce que tu prépares déjà la suite de cet EP ?

Morgane G. : Oui, bien sur. Des textes sont déjà écrits, ils sont prêts, et on répète très souvent avec mes musiciens Jack et Johanne pour composer le nouvel album. La suite est en route.

‘Horizons’, premier EP de Morgane G. déjà disponible sur toutes les plateformes

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