Dans le cadre de sa tournée européenne, Shake Shake Go faisait vendredi un arrêt par le Festival du Schmoul à Bain-de-Bretagne, près de Rennes. Après un break de plus de 3 ans, le groupe venait présenter au public breton son nouvel album intitulé ‘Double Vision’ sorti en octobre dernier. C’était l’occasion pour moi de revenir sur la genèse de ce disque à travers lequel le désormais trio s’y confie comme jamais, explorant la dualité des sentiments et le lien qui les unit. La nuit commence à tomber, les balances sont terminées et je retrouve la délicate et souriante Poppy Jones qui m’accueille dans sa loge pour répondre à mes questions. Le temps de faire nos présentations faites, notre échange peut commencer.

The Morning Music : Shake Shake Go existe depuis dix ans maintenant, comment vois-tu le chemin parcouru ?

Poppy : Musicalement je pense qu’il y a eu une grande évolution, beaucoup de changements entre le premier et le troisième album. Le premier était très folk. Et au delà de la musicalité, il y a une évolution dans les sujets abordés sur notre dernier album qui est plus personnel, plus honnête. Dans le passé, j’étais un peu embarrassée de dévoiler mes sentiments à travers mes chansons. Donc je pense que nous avons progressé sur la manière dont notre musique parle pour elle-même.

TMM : ‘Double Vision’ votre troisième album est paru en octobre dernier, comment vis-tu l’accueil réservé par le public ?

Poppy : Bien ! Comme cet album est différent, j’étais un peu nerveuse. Dans l’ensemble, l’accueil a été plutôt bon, sûrement parce que les gens ont grandit avec nous d’une certaine manière. Ils connaissent l’histoire du groupe et je pense qu’en lisant les paroles, cela peut leur permettre de suivre ce qui s’est passé. Je suis très contente de cet accueil parce que je n’étais pas sûre que les gens l’aimerait du fait de notre changement de direction.

TMM : Vous avez écrit cet album entre Brighton et Barcelone, en quoi ces différents lieux ont influencé les paroles de vos chansons ?

Poppy : De nombreuses manières en vérité. Nous avons commencé à écrire l’album à Brighton et c’est là que nous avons composé les chansons les plus profondes, les plus personnelles. Des chansons pas nécessairement tristes mais qui traitent de choses qui nous restaient sur le cœur et qu’on a laissé sortir. Une fois que nous avions évacué ce que nous avions à l’intérieur, nous avons ressenti l’envie de changer de décor. Nous sommes donc allé à Barcelone et c’était vraiment agréable d’être dans cet endroit à la fois nouveau et ensoleillé. Nous avions expulser toutes les mauvaises émotions et nous pouvions désormais nous concentrer sur le positif, profiter du soleil, écrire des chansons sur l’amitié et sur le fait que nous nous sentions enfin libérés.

TMM : Et vous l’avez enregistré ici, en Bretagne !

Poppy : Oui avec Albert Menton qui a un studio ici mais je serais incapable de prononcer le nom du lieu (rires). Nous avons travaillé avec lui sur chaque album et c’est quelqu’un en qui nous avons pleinement confiance en ce qui concerne le son. C’est vraiment facile de travailler avec lui. Nous aimons vraiment la Bretagne ! On a déjà joué à Rennes et Nantes, je crois. Ma géographie est vraiment mauvaise mais je sais qu’on a joué en Bretagne (rires).

TMM : Comme tu le disais, Double Vision est une sorte de voyage intérieur et personnel, à travers lequel vous explorez les différentes émotions humaines…

Poppy : Oui, complètement. A vrai dire, il s’agit de mes émotions. Pendant longtemps, je n’ai parlé à personne de certaines choses que je pouvais ressentir, notamment à propos de ce qui s’est passé avec d’anciens membres du groupe. Des choses que je ne voulais même pas m’admettre à moi-même. Je ne pensais pas que je devais écrire sur ce sujet mais pour cet album nous avions décidé de nous dévoiler complètement. L’idée était d’aborder toutes les émotions comme le déni, la colère, la tristesse pour ensuite en sortir et nous sentir mieux. C’était un peu comme une sorte de voyage vers chaque émotion. Écrire a vraiment eu cet effet cathartique, le fait de se mettre de nouveau dans cet état d’esprit. Il y a certaines chansons où je peux me visualiser exactement où j’étais quand je pense à ça. C’était horrible mais nécessaire de revenir sur certaines choses en se demandant pourquoi on a laissé ça se produire.

TMM : On sent effectivement que ça a été un processus libérateur…

Poppy : Oui parce que sur les albums précédents, bien qu’il y ait des chansons personnelles telle que Blackbird par exemple, j’écrivais sur des thèmes plus généraux pour que les gens puissent s’y retrouver et faire le lien avec leurs propres expériences. Pour une fois je voulais écrire sur ce que j’ai traversé, ce que j’ai ressenti et ça me semblait être la bonne chose à faire. Et dans un sens c’était plus facile et effectivement plus libérateur parce qu’il n’était pas question de savoir si c’était juste ou non puisqu’il s’agissait de mes ressentis.

TMM : Est ce que la récente pandémie vous a affecté dans votre processus de création ?

Poppy : Pas vraiment parce que lorsque nous avons commencé à écrire, c’était après le covid. On avait vraiment besoin d’une pause pour prendre du recul face aux grands changements intervenus à ce moment là. Par chance on s’en est bien sorti mais je sais que pour d’autres groupes ou même les festivals ça a été vraiment dur. A ça s’est ajouté le Brexit. Nous allons à Londres dans deux semaines et nous commençons à prendre conscience de tous les petits changements administratifs que cela implique, c’est très ennuyeux.

TMM : Et est-ce que le Covid a influencé ta vision du monde en tant qu’artiste ou en tant que personne ?

Poppy : Tu sais je n’ai jamais vraiment réfléchi à ça ! Je dirais oui et non. Le plus gros problème que j’ai rencontré, enfin ce n’est pas vraiment un problème, mais en France on se fait la bise quand on rencontre quelqu’un. Et lorsque nous avons joué pour la première fois à Paris après le covid, plus personne ne voulait me faire la bise et j’ai mis du temps à comprendre pourquoi. Personne ne m’avait prévenue (rires). Voila, je ne sais pas si on peut vraiment dire que c’est un changement.

TMM : Pour revenir à l’album, au niveau des sonorités, Double Vision est résolument plus pop, plus électrique. Est-ce une manière pour vous de vous réinventer quelque part ?

Poppy : Ça n’a pas vraiment fait l’objet d’un débat pour savoir si on devait ou non changer de style. C’est venu assez naturellement en vérité et maintenant que nous ne sommes plus que trois, c’était l’occasion de donner à chacun plus d’espace et de permettre aux gens sur cet album de mettre leurs influences et leurs idées en avant qui avaient peut-être été mises de côté sur les précédents. Et je pense également que cela vient du fait que ce que nous écoutons a beaucoup changé depuis que ‘All In Time’ est sorti il y a presque dix ans.

TMM : On retrouve tout de même quelques balades acoustiques avec Let Me Go Easy ou Fully Grown notamment, c’est un choix de ne pas laisser complètement de côté les morceaux pop folk de vos débuts ?

Poppy : Oui, je pense que nous ne voulions pas complètement les abandonner. Même si c’est vrai que ce que nous faisons maintenant est différent, et c’est venu naturellement, nos racines sont quand même folk et c’est bien d’y revenir de temps à autre. Donc pour ces deux chansons, c’était bien d’avoir un peu d’acoustique. Ça fonctionne bien en tout cas sur celles-ci.

TMM : L’album est le premier à être paru sur votre label Brickhead, qu’est ce que cela vous a apporté en liberté ?

Poppy : Ça a été une belle expérience et nous avons appris beaucoup en créant notre label. Cela nous a enfin permit de faire ce que nous voulons. Être signés dans un label était génial, c’est ce qui nous a permit de commencer, et nous leur en sommes reconnaissant car c’est grâce à eux que nous avons pu lancer notre carrière. Mais dans un label, tout le monde a un avis sur tout. Il y a toujours quelqu’un pour te dire « tiens peut-être que tu devrais essayer ça ou ça ». Au final tout le monde s’en mêle et c’est ingérable. Donc nous avions envie de faire les choses nous-même, surtout pour cet album que nous avons composé à trois et qui reflète ce que nous avons traversé. C’était excitant mais stressant à la fois parce qu’il y a tellement de choses que nous n’avions pas à faire jusque là. Et puis c’était un gros risque à prendre. Mais je suis contente que nous l’ayons prit. Croisons les doigts pour ça marche !

TMM : Ça à l’air de plutôt bien marcher pour l’instant !

Poppy : Oui, c’est vrai (rires)

TMM : Vous jouez ce soir au Schmoul avant de reprendre les routes de France et d’Europe, comment vous sentez vous à l’idée de revoir votre public ?

Poppy : Très bien parce qu’il s’est passé du temps, presque quatre ans je crois, depuis la dernière tournée. Et le premier concert de celle-ci était bizarre parce qu’on a beau se souvenir des chansons, on a oublié comment bouger donc on doit se remémorer tout ça. Mais c’est un plaisir de revoir les gens qui nous ont déjà vu en concert. Parfois sur scène je demande « qui est déjà venu nous voir ? » et des gens lèvent la main. Ça fait plaisir même après tout ce temps de voir que les gens reviennent et que d’autres viennent nous découvrir. Je suis vraiment contente de revenir sur scène, de jouer, de rencontrer de nouvelles personnes. Mais je dois encore pratiquer parce que si je fais trois concerts à la suite, ma voix peine à suivre (rires).

TMM : Tu préfères le studio ou la scène ?

Poppy : La scène, sans aucun doute. Je ne suis pas fan du studio, je trouve que c’est terrifiant. Même si d’un côté c’est amusant, je ressens quand même une certaine pression parce que tout doit être au top. Quand je monte sur scène, je n’ai pas la sensation de devoir être parfaite, c’est plus une question d’atmosphère où tout le monde est là pour passer un bon moment. Si je laisse échapper une fausse note, ce n’est pas la fin du monde (rires).

Double vision (Brickhead) disponible depuis le 20 octobre 2023.

Previous

Noé Preszow continue de dévoiler son deuxième album

Next

Elan sort Petit Prince son nouveau single

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

A lire aussi