Vous ne connaissez peut-être pas encore son nom mais le jeune suisse de 24 ans pourrait vous surprendre autant qu’il nous a envouté grâce à la douceur de sa musique et l’émotion qui s’en dégage. Pour lui, comme pour l’Allemand Nils Frahm, un de ses modèles, le piano constitue une sorte de boite magique. Le musicien et producteur Adriano Koch s’apprête à sortir son troisième album intitulé ‘Bloom’ et pour l’occasion, nous avons pu échanger avec lui pour en savoir plus sur la conception de ce disque qui marque un tournant dans sa jeune mais déjà brillante carrière. Avec ‘Bloom’, Adriano Koch a exploré, expérimenté, développé le concept d’imperfection dans le son qui est devenu une composante essentielle de sa vision artistique. Rencontre avec un musicien pour qui l’authenticité dans sa musique est une manière d’établir une connexion avec les auditeurs et leur permettre de trouver du réconfort.

The Morning Music : Vous êtes arrivé dans la musique en imitant votre mère au piano puis en intégrant une école de jazz, avez-vous toujours eu ce souhait de devenir musicien ?

Adriano Koch : Oui, très tôt j’ai su que je voulais faire de la musique. Lorsque j’étais enfant, j’entendais ma mère jouer du piano et comme elle j’avais envie d’en jouer mais pour autant je ne voulais pas prendre de cours. J’avais 5 ou 6 ans et je savais déjà que je voulais jouer ma propre musique. Cette idée ne m’a jamais lâché. J’ai fini par intégrer une école de jazz et là bas j’ai appris la culture de l’improvisation, de la composition, de l’expression. Chose que je n’aurais pas pu faire si j’avais commencé par étudier le classique où il faut reproduire la musique à la note près. Même si c’est magnifique, la façon de l’enseigner en Suisse m’aurait fait décrocher. Dans le jazz, chacun peut trouver sa place, quel que soit son niveau.

TMM : Jeune adolescent, vous faites la rencontre du musicien Sébastien Kohler qui vous offre un Mac et le logiciel Logic Pro pour composer, est-ce qu’on peut dire que cette rencontre a changé votre vie ?

Adriano Koch : Oui, complètement. Je partage d’ailleurs toujours un studio de musique avec lui. A l’époque, j’avais 12 ans quand il m’a trouvé un de ces vieux mac magnifiques, ceux qui ressemblent à une lampe Pixar. Il l’avait modifié pour qu’il soit plus puissant et j’ai donc fait mes débuts sur Logic à 12 ans, ce qui est fou car très tôt j’ai pu faire du jazz sur des logiciels de musique et apprendre à composer sur un ordinateur. Je parlais de musique avec mes parents mais c’était un peu abstrait pour eux, je n’avais pas de soutien musical de la part de mon père surtout. On peut dire que Sébastien est comme une figure paternelle dans la musique.

TMM : Et à 17 ans, vous décidez de vous consacrer pleinement à la musique.

Adriano Koch : C’est surtout venu en réaction avec ce que je vivais à l’époque. Les rapports entre les enfants et les parents sont parfois difficiles durant l’adolescence. C’est un métier qui fait peur et pour les parents ce n’est pas facile. Mais je ressentais beaucoup de pression, le fait d’avoir de bonnes notes à l’école par exemple, et j’avais besoin de couper avec tout ça. J’ai arrêté l’école une fois que ce n’était plus obligatoire, sans mon bac en poche, pour me lancer dans la musique. J’ai trouvé une chambre et je donnais des cours de piano pour vivre durant les deux premières années. Je n’ai jamais fait autant de musique de ma vie, et le fait d’avoir ce stress de devoir réussir pour en vivre et gagner de l’argent m’a fait sacrément bosser.

TMM : Comment définiriez-vous Bloom, votre troisième album ?

Adriano Koch : Cet album représente un virage dans la recherche de sonorités. C’est le premier que j’ai enregistré en analogique. Quand je suis arrivé dans ce studio, j’ai notamment découvert les bandes magnétiques et j’ai compris ce qu’était l’irrégularité, l’imperfection dans le son, avec ce que cela procure comme émotion. Pendant deux ans, j’ai expérimenté pour essayer de développer ce nouveau son. Il y a donc un vrai changement identitaire dans cet album. Je l’ai voulu beaucoup plus imparfait avec plein de souffle, car ça me touche quand j’entends la mécanique du piano, le grain des synthé. Cela donne l’impression d’entendre la personne qui a produit, qui a joué. Elle est là, elle est présente. J’ai essayé de faire l’inverse de ce que je faisais avant et je suis fier du résultat parce que je trouve que cet album me correspond.

TMM : Le morceau éponyme est empli de délicatesse et de douceur, des sentiments qui à l’image de ce disque ne semblent jamais feints. Il y a dans votre musique quelque chose d’authentique qui fait du bien. 

Adriano Koch : C’était clairement le mot d’ordre. Je m’étais fixé comme objectif au moment de composer cet album d’enregistrer un morceau tous les soirs. J’ai fait ça pendant deux mois et ensuite j’ai choisi parmi ces morceaux ceux qui me touchaient le plus. Quand on fait le choix de l’analogique, on ne peut pas se permettre d’enregistrer tout un tas de prises parce que ça coute de l’argent d’utiliser des bandes. Plus on enregistre dessus, plus les aigus s’amenuisent et plus la dynamique baisse. A l’époque, il fallait être sûr de son coup quand on enregistrait. J’ai trouvé ça très intéressant, le fait qu’il y ait plus de place pour l’imperfection et c’est comme ça que je définirai l’album.

TMM : La musique électronique ou le piano peuvent parfois être perçus comme froide et impersonnelle et vous parvenez à l’humaniser. On vous entend respirer sur Room For Nothing ou même pleurer sur When You Came To Me.

Adriano Koch : Cela vient surtout de ma manière d’enregistrer le piano avec le son très bas ce qui lui donne un côté très feutré. Je joue tellement doucement que c’est presque inaudible quand on est à côté. Les micros eux sont poussés à fond, l’univers à côté de moi est comme amplifié. J’entends les gens dehors qui vont en boite de nuit, il n’y a pas de silence, c’est très inspirant. Et c’est vrai qu’en utilisant cette technique, on m’entend beaucoup.

Vous parlez aussi sur Everything, quelle est l’histoire de ce titre ?

Adriano Koch : C’est un peu abstrait à vrai dire. C’est venu après une session d’enregistrement qui avait été si intéressante qu’une fois sorti du studio, j’étais dans un état d’euphorie. Un peu comme lorsque l’on est amoureux et qu’on ne sait pas trop ce qui se passe. Quand on compose, c’est quelque chose qui arrive très peu. Dans ces moments là, je suis dans cet état second, je ne ressens pas la fatigue et je peux travailler pendant 15h. Donc ce morceau est né après cet enregistrement où j’allais me coucher parce que je compose la nuit. Je marchais dans la rue, au lever du soleil, et je croisais des gens à contresens qui venaient eux de se réveiller. Il y avait une très belle lumière et j’ai ressenti tout ça très intensément.

TMM : La chanson I Feel Warm se distingue du reste de l’album aussi au niveau des sonorités, comment est-elle née ?

Adriano Koch : J’avais du mal à trouver quelque chose lors de cet enregistrement. Il faut savoir que le piano est assez loin de l’ordinateur donc quand j’appuie sur le bouton d’enregistrement, je marche jusqu’au piano. Mes pas s’entendaient beaucoup parce que les micros étaient forts. Je marchais d’une allure régulière jusqu’au piano et ça m’a donné une sorte de pulsation. Je suis parti de cette idée de base, un peu lo-fi, puis tout est venu naturellement. La ligne de piano, la mélodie, tout s’est construit. Plus tard dans la nuit, j’écoutais les messages de ma copine sur mon téléphone tout en écoutant le morceau. Le casque et les micros étaient toujours activés. Et dans un message, elle dit « I don’t know I feel warm ». Et là tout s’est imbriqué, tout à prit sens.

TMM : On peut comparer votre musique à celle de Nils Frahm ou à celle de Dustin O’Halloran, quelles sont vos influences ?

Adriano Koch : Nils Frahm fait effectivement partie de mes influences tout comme Olafur Arnalds et Max Cooper aussi. Mais j’écoute d’autres styles de musique. Sébastien joue dans un groupe de reggae qui s’appelle Circle of Contrusion et j’ai beaucoup écouté ce qu’ils font. Ce n’est pas mon style de musique mais il y a une culture du son dans le reggae, avec ce côté imparfait, qui m’a influencé sur cet album. J’aime aussi beaucoup Bon Iver et James Blake.

TMM : Vous reprenez bientôt la route des concerts et pour l’occasion vous avez réalisé des vidéos avec une Super 8 pour chacun des titres que vous allez jouer sur scène. C’est important pour vous l’aspect visuel de votre musique ?  

Adriano Koch : Oui, quand je compose je regarde souvent des images et je travaille parfois comme vidéaste donc c’est très important pour moi ce côté visuel. Le fait de filmer en super 8, c’est la suite logique avec le fait que l’album a été enregistré en analogique avec les machines et les bandes magnétiques. On retrouve ce côté imparfait, des plans flous parce qu’on ne sait pas exactement ce qu’on fait quand on shoote en super 8 et ça rend la réalisation tellement authentique.   

‘Bloom’ disponible le 24 novembre sur toutes les plateformes.

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